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Nouvelle Découverte dans Khéops |
Une petite pièce identifiée dans la structure de la plus grande des pyramides par l’architecte Jean-Pierre Houdin validerait l’hypothèse de sa construction à l'aide d’une rampe intérieure. Récit et images de cette découverte...
C’est une petite encoche, un coin frappé dans l'arête nord-est de la pyramide, environ aux deux tiers de sa hauteur. Vue du sol, un simple accroc ; du ciel, une plaxe-forme de 2 à 3 mètres de côté. Une anomalie infime dans cette géante de plus de 146 mètres.
Mais une anomalie dans Khéops vaut la peine qu'on y regarde de près : car 4500 ans après sa construction, personne ne sait comment a été élevé ce monument, l'un des plus mystérieux de l’humanité (encadré ci-dessous).
LES ÉNIGMES DE KHÉOPS
Érigée sur le plateau de Gizeh, près du Caire, pour abriter la dépouille du pharaon Khéops (2538-2516 avant J.C.), la Grande Pyramide est le plus volumineux monument en pierres de taille jamais édifié.
Six millions de blocs ont été nécessaires à sa construction. Comment un tel chantier a-t-il pu être réalisé à une époque où l’on ne connaissait ni la roue, ni le palan ou la poulie ? Aucun écrit de l’époque ne lève le mystère. Parmi les nombreuses hypothèses émises, "aucune ne fonctionne" reconnaît le spécialiste Rainer Stadelmann, de l’Institut d’archéologique allemand du Caire. La plus connue met en œuvre une rampe frontale, perpendiculaire à la pyramide, qui aurait permis de faire monter les blocs sur des traîneaux de bois. Mais plus la pyramide s'élève, plus la rampe doit monter avec elle. Résultat : soit une pente trop raide, soit une chaussée trop longue. Quant à l'hypothèse des machines élévatrices, elle butte sur l'impossibilité de soulever des blocs de plusieurs tonnes sur des assises raides et étroites. La théorie de Jean-Pierre Houdin lève ces obstacles. Une rampe extérieure en pente douce permet de monter la pyramide à 43 mètres de haut, soit plus de 70 % du volume de pierres. La rampe intérieure, intégrée à environ 10 à 15 mètres sous la surface, prend le relais pour les parties hautes. Les matériaux nécessaires, des blocs de petite taille, sont prélevés sur la rampe extérieure devenue inutile. |
C’est en tout cas ce que pense Jean-Pierre Houdin. En ce mois d’avril 2008, il piétine au pied du colosse, impatient de savoir ce qui se trouve 80 mètres plus haut. Voilà 10 ans que l'architecte français consacre totalement sa vie à une hypothèse originale sur l’édification de la Grande Pyramide : celle d’une rampe intérieure aménagée en pente douce dans l’épiderme du monument. Cette rampe aurait permis aux ouvriers de monter les blocs de calcaire jusqu’aux parties hautes de l’édifice sans trop d’efforts, sur des traineaux de bois. Or l’encoche, qui n’est identifiée précisément sur aucun plan, pourrait corroborer sa théorie. "Elle me semblait correspondre à l'un des paliens qui permettait de faire tourner les pierres d’une face à l’autre de la pyramide, au croisement de chaque volée de la rampe", explique-t-il aujourd’hui.
 Loin des innombrables farfelus qui alimentent l'interminable chronique de Khéops, Jean-Pierre Houdin a réalisé un travail qui réunit les critères d’une hypothèse scientifique. À partir de 2005, sa théorie a été soumise aux instruments de simulation les plus performants, grâce à une collaboration avec Dassault Systèmes. Modélisation géométrique, prise en compte des données physiques des matériaux, du facteur temps - une vingtaine d'années pour la construction - mais aussi du facteur humain : durant un an et demi, des machines habituellement utilisées pour la conception de voitures d’avions ont mouliné toutes les données. Passionnés par le projet, les ingénieurs sont allés plus loin, reconstituant le chantier millénaire en trois dimensions. Les images sont projetées en temps réel le 30 mars 2007 à la Géode, à Paris, devant un public de scientifiques et de journalistes, dont François de Closets, séduit par la démonstration. L'événement propulse la théorie autour du monde : elle tourne au rythme des fuseaux horaires de la côte est des États-Unis à l'Australie et au Japon. Le "french architect" devient une vedette. Un livre, écrit par l'égyptologue américain Bob Brier, est publié aux États-Unis par les prestigieuses éditions du Smithonian Institute, traduit en français (chez Fayard), en japonais et en chinois. Et 2 films sont lancés, l'un par la chaîne du National Geographic, l'autre pour France Télévision.
C'est à l'occasion de ces tournages que Jean-Pierre Houdin se retrouve ce jour d’avril à l’ombre de la pyramide... et de la fameuse encoche ! Pas moyen, pour lui, de monter sur Khéops. L’escalade est interdite par les autorités, à moins d’une autorisation spéciale, qui ne peut être accordée qu’à un égyptologue. Bob Brier, complice des films, peut se prévaloir de ce titre. Il obtient, l'autorisation. Jean-Pierre Houdin l’abreuve de consignes, lui enjoignant de prendre un maximum de mesures et de photos. "Cette encoche ne pouvait pas être le seul fait eboulement ou d’un pillage, explique-t-il. De nombreuses pierres ont été volées sur la pyramide par des carriers, au Moyen Age. Mais sous les premiers rangs de blocs bien taillés se trouvent des blocs de remplissage. Or l’encoche montre, à 6 mètres des faces d’origine, un angle droit et des murs verticaux". Il se remémore une anecdote qu'on lui à rapportée quelques années auparavant. Un ingénieur, qui avait participé en 1987 à une campagne de microgravimétrie dans la pyramide, avait, lui aussi, approché l’encoche. Et il se souvenait avoir vu un fennec y grimper et disparaître.
"Bob devait être mes yeux là-haut, poursuit Jean-Pierre Houdin. Avec tous les problèmes que pose la différence de regard entre un égyptologue qui traville sur des momies et un archritecte qui travaille sur une pyramide". Surnommé "Mister Mummy" aux États-Unis, Bob Brier est en effet un spécialiste des rites funéraires. Mais aussi un marathonien ! Le caméraman qui l’accompagne dans sa mission est, quant à lui, alpiniste. Des qualifications qui vont se révéler utiles pour l'éprouvante escalade du monument : une demi-heure à grimper sous une chaleur de plomb sur des blocs de 70 cm à 1 m de haut, avec une pente de plus de 50 degrés, et des marches très étroites. "On se demande comment des gens peuvent encore imaginer qu’on a construit Khéops en installant des machines élévatrices sur ces gradins", sourit Jean-Piere Houdin.
Parvenu à l'encoche, Bob Brier est étonné par sa taille : environ 4,50 m sur 4,50 m, plus grande que ce qu’avait imagine Jean-Pierre Houdin. Puis c’est une surprise plus grande encore : dans l'arête verticale, il aperçoit une sorte de fente haute d’environ 70 cm et large de 35cm. Il s’y glisse en se contorsionnant, une petite lampe de poche à la main. Derrière, il découvre une cavité, dont le plafond est à 2,20 m. Il y fait frais et noir. Bob Brier se redresse et commence à balayer les parois du faisceau jaune de sa lampe. La première chose qui le frappe, c’est le sol, parfaitement plat, contrairement à celui de l’encoche à l’extérieur. Il voit ensuite 2 murs qui composent un angle parfait. Mieux encore, 3 blocs formant un plafond en demi-voûte. "En architecture, on appelle ça une “intention”, commente Jean-Pierre Houdin, il ne s’agit ni d'un caprice, ni d'un accident de construction". Encore moins d’un trou aménagé par des voleurs de pierres, qui auraient laissé des traces de leur forfait. Sans compter l’impossibilité de faire sortir des blocs par l’étroite ouverture que vient de franchir Bob Brier.
Malgré son excitation, l’égyptologue ne peut s'attarder. La pyramide est louée 8000 dollars (6000 € environ) par soirée pour la réalisation des documentaires, il lui faut redescendre très vite à cause du tournage ! Quant à Jean-Pierre Houdin, c’est seulement au retour dans sa chambre d’hôtel qu’il peut examiner les images numériques rapportées par Brier. Il y passe des heures, reconstituant au crayon un premier plan de l'encoche et de la cavité, qui ressemble de plus en plus à une pièce minutieusement aménagée ; positionnant chaque pierre, cherchant à comprendre comment fonctionne le dispositif. Pour lui, c’est évident : la découverte est cohérente avec son hypothèse. Ce que Bob a découvert est bien le palier sur lequel les grutiers tournaient les blocs de pierre à l'aide d’un engin de levage (<-). Derrière ces murs photographiés par Mister Mummy, il en est sûr, se trouve "sa" rampe intérieure. Elle est ici, à 1 mètre, 1,50 mètre au plus !
À Paris, l’équipe de Dassault Systèmes se reprend au jeu. Elle analyse les mesures et les photos de Bob Brier, décompose plan par plan la vidéo tournée par le caméraman, modélise l'encoche et la pièce en 3D, bloc par bloc, les repositionne dans les simulations précédentes. Pour terminer, elle reconstitue en 3D la visite de la pièce à travers les yeux de Bob Brier. Montée parallèlement avec les images prises par la caméraman, cette séquence a été intégrée au documentaire de France 2.
De son côté, Bob Brier se remet à fouiller toutes les études publiées sur Khéops depuis l’expédition de Bonaparte et s'intéresse particulièrement aux relevés architecturaux établis par les Italiens Vito Maragioglio et Celeste Rinaldi dans les années 1960. Mais il ne trouve aucune mention de l’encoche, encore moins de la pièce. "Il est évident que cette cavité avait été déjà visitée, précise Jean-Pierre Houdin. Bob y a trouvé des graffitis dont une inscription datant du XIXe siècle. Mais elle n’a jamais relevée ni étudiée scientifiquement". Dans son livre de bord, datant de 1819, un certain lieutenant-colonel George A.F. Fitzclarence raconte comment, lors d’une rencontre avec les égyptologues Henry Salt et Giovanni Belzoni au cours d’un périple en Égypte, il les abandonne au pied de la pyramide pour l’escalader. Et découvre sur l’angle nord-est ce qu'il appelle "une caverne ou un trou" d’environ 20 pieds de profondeur et de haut. "Ça s’arrête là, personne n'a cherché à en savoir plus à l’époque. Ni depuis", insiste Jean-Pierre Houdin.
L'architecte aimerait pouvoir convaincre Zahi Hawass, le patron des Antiquités égyptiennes, de vérifier sa théorie. Un moment favorable à cette l’hypothèse, dont il disait en mars 2007 qu’elle était valable, Zahi Hawass affirme aujourd’hui qu’elle est erronée. L’homme a repris d’une main de fer le destin d'une archéologie égyptienne que les Occidentaux et notamment les Français ont longtemps considérée comme leur pré carré. Et Khéops paraît plus que jamais intouchable.
Il existe pourtant des méthodes non invasives qui permettraient d’en avoir le cœur net. Et notamment l’infrarouge, une technologie capable de détecter des différences de température infimes au sein d'un monument. Comme l’a montré une récente simulation de Dassault Systèmes (encadré ->), la pyramide, selon qu’elle comporte on non une rampe intérieure, ne restituera pas le rayonnement solaire de la même manière. "L’infraruge est une technique à la fois précise, et très légère, insiste Jean-Pierre Houdin. Nous pouvons travailler à 50 m de Khéops, avec une caméra thermique, ce qui n’occasionnera pas plus de dérangement que les milliers de touristes qui la filment chaque jour". Et de conclure : "Il suffirait qu'on autorise une équipe à tourner 24 heures autour de la Grande Pyramide, et la messe serait dite".
Aline Kiner - SCIENCES ET AVENIR N°743 > Janvier > 2009 |
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