Monde Naturel en AMÉRIQUE du SUD - BOLIVIE : Salares

Lithium : Or Blanc de la Bolivie

M.Q.-B. et M.K. - GEO N°485 > Juillet > 2019

Salar d'Uyuni

VIAJES NATIONAL GEOGRAPHIC N°181 > Avril > 2015


Le Grand Silence Blanc des Salares

Dans le sud-ouest de la Bolivie, à plus de 3000 mètres d'altitude, la steppe aride abrite d'immenses déserts de sel, aujourd'hui convoités pour leurs richesses minières. Voyage au bout des pistes de l'Altiplano.

Les "salares" se sont formés il y a 10.000 ans par évaporation d'une immense étendue d'eau salée, le lac Minchin.

Ces deux 4x4 tracent leur route sur la "salar" d'Uyuni (->), qui, avec sa superficie dépassant les 10.000 kilomètres carrés, est le plus grand lac de sel au monde. Les expéditions en véhicules tout terrain ne peuvent s'y dérouler qu'en saison sèche, d'avril à décembre.

Cette étendue de sel est située à 3658 m d'altitude. Avec une superficie de 10.582 km², elle constitue le plus vaste désert de sel du monde et représente un tiers des réserves de lithium exploitables de la planète. Ses dimensions sont de 150 kilomètres sur 100. Sa formation remonte à 10.000 ans, quand l'étendue d'eau salée était une partie du Lago Minchin, un lac préhistorique géant. En s'asséchant, il laissa derrière lui deux petits lacs encore visibles, le lac Poopó et le lac Uru Uru et deux grands déserts de sel, le salar de Coipasa et le gigantesque salar d'Uyuni (<-).

Le désert se compose de sels de bore (Ulexite), de chlorures, carbonates et sulfates de sodium, potassium, magnésium et lithium. Selon l'estimation de l'United States Geological Survey, le salar d'Uyuni recèle 5,5 millions de tonnes de lithium exploitables sur les onze millions de tonnes que comptent la planète. Les réserves de lithium, composant essentiel des batteries électriques, sont actuellement le centre des attentions de plusieurs multinationales, ainsi que du gouvernement. Le salar d'Uyuni fait partie du "triangle du lithium" entre le salar d'Atacama au Chili et le salar del Hombre Muerto en Argentine qui concentrent 70 % des réserves mondiales de lithium.
Le sel est exploité, mais la production annuelle d'environ 25.000 tonnes ne risque pas d'épuiser les 64 milliards de tonnes estimées du gisement (en effet, l'épaisseur du sel varie de 2 à 120 mètres, selon les endroits).
Pendant l'été austral, entre janvier et mars, les précipitations inondent les bords du salar d'Uyuni, qui peuvent être recouverts d'une trentaine de centimètres d'eau, sur cette étendue absolument plate. Une activité touristique se développe pour faire découvrir ce site. Les expéditions ne peuvent s'y dérouler qu'en saison sèche, d'avril à décembre. La réverbération des rayons du soleil sur la surface du désert de sel provoque un fort éblouissement, et rend obligatoire le port de lunettes de soleil haute protection.


Un hôtel, situé au centre du lac et entièrement construit en sel, est une curiosité du lieu (Hôtel de sel, à gauche ->).

Isla del Pescado et ses cactus millénaires (à droite ->)...

L'île de corail d'Incahuasi, couverte de cactus candélabres dont certains sont âgés de 1200 ans, est isolée dans ce désert salé. La pseudo-île d'Incahuasi (ci-dessous), au centre de l'étendue de sel, est une destination touristique prisée.

Fumerolles, geysers, cactus géants... tout ici rappelle les premiers âges de la Terre.
Dans la réserve nationale andine Eduardo Avaroa, le Sol de Mafiana est une zone constellée de panaches de vapeur et de mares de boue en ébullition. Certaines sources projettent de l'eau chaude sous pression jusqu'à 50 mètres de haut.
Telles des sentinelles végétales, ces cactus candélabres, dont certains sont âgés de 1200 ans, semblent protéger l'île d'Incahuasi, émergeant de l'océan blanc du "salar" d'Uyuni.
Avec ses quelque dix milliards de tonnes de sel, le "salar" d'Uyuni constitue l'une des plus importantes réserves mondiales. Sous le pas des marcheurs, sa banquise en damier crisse comme une pâte brisée.

Suspendu entre ciel et sable à 4000 mètres d'altitude ; le désert de Siloli (ci-dessous à g.) est un immense plateau orangé et bosselé de montagnes formées de sédiments volcaniques. Malgré son vide apparent, ce site abrite une faune variée : oiseaux, reptiles et camélidés, dont ces lamas sauvages, récemment sauvés de l'extinction.
La ligne qui traverse le "salar" (ci-dessous à d.) de Chiguana relie la Bolivie au Chill à raison d'une liaison par jour. L'essentiel du trafic concerne les marchandises. Le train, qui ne dépasse pas 45 kilomètres à l'heure, n'embarque des passagers que deux jours par semaine.

Sous la croûte de sel, un trésor : la moitié des réserves de la planète.

L'Altiplano (->) n'a pas le goût des ornements : des sommets chauves, des troupeaux épars d'alpagas et quelques touffes blondes de "paja brava", une herbe sèche comme les rafales brûlantes ou glacées qui balayent ces étendues désolées. Sur ces steppes où pas un arbre ne croit, une poignée de garnisons militaires, autoproclamées "sentinelles du Pacifique", luttent contre la solitude et le silence. Les routes goudronnées du sud ouest bolivien s'arrêtent au pied du Volcan Sajama. Au-delà, c'est le règne du vent et des pistes hasardeuses. Sur le toit du 4x4, on accroche des bidons d'essence, des pneus de rechange et des pelles. Dans le coffre, il faut stocker assez d'eau et de nourriture pour tenir une semaine. On met alors le cap au sud, vers les "salares", ces grands lacs asséchés dont les aplats blancs sont visibles à l'oil nu depuis l'espace... Le véhicule s'engage dans le lit d'une rivière tapissée de mousses phosphorescentes. On progresse au pas, sous le regard hautain des lamas. Pour lutter contre le "soroche", le mal d'altitude, on mastique quelques feuilles de coca, "l'hostie des Andes". Un goût amer se répand dans la bouche, puis, lentement, une euphorie nerveuse s'empare de l'esprit.

Ici, poussent des plantes en forme de boule vert fluo qui peuvent vivre des siècles. Prenant assise sur la cordillère des Andes, l'Altiplano trace ses courbes épurées sur près de 1500 km de long. Ce haut plateau, qui court du Pérou jusqu'au Chili et à l'Argentine en passant par la Bolivie, est suspendu à près de 4500 mètres. Y a-t-il âme qui vive sur ces hauteurs ? Les villages que l'on traverse sont invariablement vides et désolés. Impression trompeuse : la "puna", steppe d'altitude, est un faux désert peuplé depuis des millénaires. Plusieurs empires se sont succédé ici avant la conquête espagnole. D'abord celui de Tiahuanaco, la civilisation pré-inca qui, entre le Ve et le XIe siècle, domina de vastes régions comprises entre le nord du Chili et l'ouest de la Bolivie actuelle. Puis, au XVe et XVIe siècle, vinrent les Incas dont le territoire portait le nom "d'empire des quatre parties", et dont la chute fut précipitée par l'arrivée des Européens. Les royaumes passent, les tombes restent : près du Rio Lauca, des édifices en adobe honorent encore la mémoire des dignitaires du peuple aymara, l'un des principaux groupes autochtones de Bolivie. Les frises dentelées qui ornent ces tours funéraires ont quelque chose d'hypnotique et d'éternel : à une telle altitude, si près du ciel, les tombes ressemblent à des berceaux.
Faux désert, fausse désolation. Les terres rases qui s'étendent ici abritaient autrefois de fabuleuses richesses minières, butin sur lequel les conquistadores se jetèrent au XVe siècle. Après avoir fait décapiter le dernier empereur inca, Tupac Amaru, les Espagnols rcgroupèrent des dizaines de milliers d'Indiens sur les hautes plaines, les astreignant au travail forcé dans les mines de Potosi, La ville était alors assise sur le plus grand gisement argentifère de la planète. Charles Quint dota la cité d'une orgueilleuse devise, qui était à la hauteur de sa prospérité : "Je suis la riche Potosi, le trésor du monde, la reine des montagnes et la convoitise des rois". Potosi, première source de richesse des colonies espagnoles, devint au milieu du XVIIe siècle la ville la plus peuplée d'Amérique. On estime aujourd'hui que les mines de cette cité, surnommées les "bouches de l'enfer", engloutirent, au total, près de 8 millions de vies humaines.
Le soir, dans les auberges d'étape, le vent porte des odeurs résineuses émanant des "llareta", une plante en forme de boule vert fluo (ci-dessous) qui ne pousse que de quelques millimètres par an mais peut vivre des siècles dans les conditions extrêmes de l'Altiplano.

J.C. - GÉO N°398 > Avril > 2012

 
 

   

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