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Monde Antique - Mésopotamie : La Civilisation Sumérienne
IVe millénaire av. J.-C. ; extinction possible vers le XXe siècle av. J.-C. |
La Ziggourat d'Ur : 2100-2000 av J.-C. |

NATIONAL GEOGRAPHIC HS N°41 > Mars-Avril > 2020 |
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Sumer : Au fil des Cours d'Eau |
 En amont, le Tigre et l'Euphrate sont encaissés entre les montagnes de l'Arménie, le Taurus, l'Anti-Taurus et les monts Zagros. Au milieu de son cours, l'Euphrate pénètre dans la steppe syrienne de la haute Mésopotamie. En aval, les deux fleuves débouchent dans une plaine où aucun relief naturel n'en définit le lit.
Une réalité géographique : celle de la Mésopotamie où les eaux douces du haut, Apsû, sont le Tigre et l'Euphrate, et les eaux salées du bas, Tiamat, celles du golfe Persique. Leur point de rencontre dans le mythe correspond à l'endroit où les deux fleuves se jettent dans le golfe ; c'est là qu'eut lieu le choc violent des flots dont l'écume et l'énergie engendrèrent les dieux.
Ce témoignage atteste de l'importance que les civilisations mésopotamiennes accordèrent au Tigre et à l'Euphrate, quelles considéraient comme les artisans de la création du cosmos. Ce mythe ancien a influencé la rédaction de la Genèse biblique, où il est raconté que Dieu sépara les eaux situées au-dessus du firmament de celles qui se trouvaient au-dessous. On constate également des analogies avec les mythes égyptiens de la Création, où la crue du Nil incarne le chaos aquatique d'où émergent les divinités créatrices ou les démiurges. Il existe cependant une différence entre le Nil et les grands fleuves mésopotamiens. Le cours d'eau égyptien s'écoulait dans un lit fixe, il ne débordait que lors de crues annuelles bienfaitrices qui inondaient et fertilisaient les champs, et retrouvait ensuite son cours naturel. De leur côté, le Tigre, appelé Idigna en sumérien et Idiqlat en akkadien, et l'Euphrate, Buranun en sumérien et Purattu en akkadien, n'avaient pas de lit majeur naturel et bien délimité. Leurs flots sillonnaient une terre argileuse sans limites en définissant eux-mêmes le parcours. Comme il n'existait plus de barrière naturelle pour les contenir, les inondations ne rencontraient aucun obstacle et allaient jusqu'à submerger d'immenses étendues de terres. En période de crue, le débit de l'Euphrate pouvait passer de 995 à 5422 m³ (avec parfois des pics exceptionnels, comme celui de 9430 m³ enregistré en 1954). Les conséquences des inondations étaient terribles sur les villes et les villages construits en argile et en roseaux. Aussi n'est-il pas surprenant que les Sumériens aient décrit le premier mythe du Déluge dans le récit légendaire, Épopée de Gilgamesh, bien avant l'écriture du texte biblique.
Le Poisson, symbole de vie (->) : Cette assiette peinte est ornée de poissons stylisés autour de la svastika, un symbole solaire très ancien. Elle provient du site de Samarra, qui a donné son nom à l'une des plus anciennes cultures de la région mésopotamienne. Musée de Pergame, Berlin.
La maîtrise des eaux : Si le Tigre et l'Euphrate étaient dangereux, ils représentaient également une source de vie pour ceux qui vivaient à proximité. En raison des hautes températures et d'une faible pluviométrie - sur les terres constituant l'ancienne Mésopotamie, les précipitations sont inférieures 250 mm par an , la plus grande partie du pays ne permettait pas de vivre loin.
 Le Tigre et l'Euphrate : AUX SOURCES DE LA VIE
Les deux grands fleuves de Mésopotamie ont permis la naissance de l'agriculture au VIe millénaire av. J.-C.. Mais en favorisant les échanges marchands, le Tigre et l'Euphrate ont suscité des rivalités entre leurs riverains.
FELIP MASO ARCHÉOLOGUE, SPÉCIALISTE DU PROCHEORIENT ANCIEN
LES EAUX DOUCES ET LES EAUX SALÉES (à g. ->) : Sur la "carte babylonienne du monde", le cercle représente l'océan. Au centre, la ville de Babylone est traversée par deux lignes droites représentant probablement l'Euphrate.
LE BERCEAU DE L'HISTOIRE (à d. ->) : Les soldats d'Élam se cachent dans les roselières du Tigre après avoir été vaincus par les Assyriens. Bas-relief du palais d'Assourbanipal, VIIe siècle av. J.-C., British Museum, Londres.
"Lorsqu'en haut le ciel n'était pas encore nommé, qu'en bas la Terre n'avait pas de nom, il y avait déjà Apsû, le primordial, leur géniteur, et Tiamat, la créatrice, la mère de tous". C'est par ces vers que commence l'Enuma Elish, poème babylonien de la Création, qui montre comment les peuples de Mésopotamie se représentaient l'origine du cosmos. Ce poème rapporte qu'il n'existait, au commencement, qu'un chaos aquatique formé d'Apsû, les eaux douces ou du haut, et de Tiamat, les eaux salées ou du bas. Du mélange des deux eaux naquit le premier couple divin qui engendra le ciel (le dieu Anshar) et la Terre (la déesse Kishar). Le reste du panthéon mésopotamien a été créé par ces dieux. Le récit de l'Enuma Elish relate, sous la forme du mythe, une des berges des fleuves. Ces zones, où l'eau fertilisait les champs, étaient constamment menacées par les crues. Il fallait donc contrôler ces courants impétueux, autant pour éviter le danger des débordements que pour accueillir et nourrir une population de plus en plus nombreuse. La solution fut trouvée vers le VIe millénaire av. J.C. avec la réalisation de canaux d'irrigation permettant d'amener l'eau dans des terres toujours plus éloignées des fleuves. La surface fertile augmenta jusqu'à atteindre 45 000 km et les zones inondables se situèrent à l'écart des villes et des terres cultivables.  Il faut ajouter que le cours de lE'uphrate, plus lent et d'un débit moindre que celui du Tigre, était plus facile à maîtriser et charriait des alluvions de meilleure qualité. C'est ainsi que purent émerger les premières cités de l'histoire de l'humanité. Dès lors, la maîtrise des eaux du Tigre et de l'Euphrate, vitales pour les habitants de la Mésopotamie, donna lieu à un système complexe qui affecta tous les domaines de la vie, de la structure sociale et économique à la technologie et aux lois, ainsi qu'aux relations entre villes, États et empires qui ne cessèrent de se disputer le contrôle du fluide vital.
Dans le monde mésopotamien, la possession de la terre indiquait la position sociale de chaque individu. Les terres appartenaient normalement à un dieu qui déléguait son pouvoir au roi ; à son tour, celui-ci les confiait à qui bon lui semblait. Ainsi, la plus grande partie du patrimoine était répartie entre un petit nombre de mains, celles des hommes qui occupaient les plus hautes fonctions, tandis que la majorité des paysans travaillaient la terre sous le mode de l'affermage. Des fonctionnaires étaient chargés de diviser les champs en unités individuelles dont la plus petite était l'ikû, une parcelle de 60 sur 60 mètres. La forme même des canaux - de longs bras d'eau perpendiculaires au fleuve - et l'étude de la façon la plus profitable de les exploiter modelèrent le paysage agraire mésopotamien, les ikû placés les uns derrière les autres et formant des parcelles de terrain longues et étroites parallèles aux canaux.
 L'EAU, DON DES DIEUX (->) : En Mésopotamie, l'eau est représentée sous sa forme naturelle (vagues d'où surgissent des dieux qui donnent la vie, ou liquide vivifiant jaillissant de jarres). Elle est aussi personnalisée par le dieu sumérien Enki (Ea en akkadien) maître d'Apsû, l'océan d'eau douce.
DES SIGNES DE PROPRIÉTÉ (->) : Ces impressions de cylindres-sceaux, petits rouleaux en pierre ornés de motifs en tout genre, sont apparus au IVe millénaire av. J.-C. pour indiquer une propriété. Ils fournissent de nombreuses informations.
Planification efficace des cultures : Pour tirer le meilleur parti de chaque parcelle en fonction de la culture, du type de sol et de la proximité du cours d'eau, les variétés nécessitant le plus d'eau furent plantées dans les terres les plus proches du fleuve : arbres fruitiers, palmiers-dattiers et cultures maraîchères ; les terres destinées aux céréales se trouvaient un peu à l'écart, et les champs secondaires, exploitables seulement quelques années, étaient encore plus distants. Ce système permettait une planification efficace des cultures, un calcul très serré des coûts d'exploitation et une estimation précise des impôts applicables à chaque propriété. De plus, l'organisation de l'espace agricole permettait d'effectuer des prévisions économiques à long terme. Pour cela, il fallait que les canaux, la source de richesse, soient toujours en bon état. Les roseaux et autres déchets qui s'accumulaient très vite freinaient la circulation de l'eau, et comme le réseau était très dense, l'éboulement d'un seul conduit affectait tous les autres et, par voie de conséquence, l'économie toute entière. Pour éviter ce problème, un inspecteur des canaux, gugal en sumérien ou gugallum en akkadien, était nommé, dont la responsabilité consistait à les maintenir en parfait état. Ces pratiques agricoles entraînèrent une réorganisation du paysage, de la société et de l'économie, et l'émergence de nouvelles machines et techniques servant à transporter l'eau (aqueducs), à la retenir (digues, barrages, réservoirs) et à la puiser (noria, shadouf). La conception et le fonctionnement de ces mécanismes requéraient des connaissances mathématiques et des schémas complexes d'ingénierie hydraulique. Les résultats de ce travail, qui s'étala sur des milliers d'années, sont représentés par les "Jardins suspendus de Babylone", qui correspondaient probablement aux jardins du palais d'Assourbanipal à Ninive ; une ouvre extraordinaire qui figure parmi les Sept Merveilles de l'Antiquité.
 Avec le temps, les populations de Mésopotamie réussirent à transformer des déserts en riches régions agricoles, et des cours d'eau menaçants et inexploités en source de vie pour les civilisations futures. Mais les fleuves offraient d'autres possibilités. Comme il n'existait aucune ressource naturelle sous l'argile mésopotamienne, le Tigre et l'Euphrate servirent à transporter les surplus agricoles vers d'autres pays pour les échanger contre du bois, des métaux ou des pierres semi-précieuses. Les fleuves et leurs affluents fonctionnèrent comme des autoroutes modernes, mettant en relation régions et civilisations. Les Mésopotamiens s'engagèrent dans la navigation fluviale à bord de petits bateaux ronds dotés d'une voile, puis ils conçurent des navires pouvant transporter jusqu'à 30 tonnes de marchandises. Cette nouvelle utilisation des fleuves fut bénéfique pour toute la société : constructeurs de navires, commerçants, artisans qui pouvaient exporter leurs produits manufacturés... Les ingénieurs et les constructeurs relevèrent un défi totalement nouveau en réalisant des canaux de navigation. L'ampleur de la main-d'ouvre, les techniques, les calculs mathématiques et la logistique nécessaires pour mener à bien une entreprise d'une telle envergure, à une époque aussi lointaine, ne peuvent que nous subjuguer.
Les accusés jugés par le fleuve : Les fleuves, qui apportèrent la prospérité grâce à une agriculture abondante et les produits transportés par les navires des marchands, avaient cependant une face sombre. Leurs eaux outrepassaient lesfrontières des petites communautés, des villes et des États, forçant à sceller des traités et des pactes afin de bénéficier de leur potentiel économique. Les accords étaient signés par les souverains et généralement ratifiés par les dieux de chaque communauté par l'intermédiaire des prêtres, favorisant ainsi le commerce et la stabilité économique, sociale et politique. Mais la volonté de dominer les fleuves, et la richesse qui y était associée, fut le principal motif de la plupart des conflits de l'histoire de la Mésopotamie. Comme celui qui opposa au milieu du IIIe millénaire av. J.C. les villes sumériennes de Lagas het d'Oumma pour la possession de Gu.Eden.Na (le bord de la plaine), et qui dura plus de 100 ans. Les fleuves permettaient aussi de résoudre des conflits souvent d'importance mineure. En effet, les anciens codes législatifs mésopotamiens prévoyaient le recours à l'ordalie fluviale pour certains délits - notamment en cas d'adultère. On jetait les accusés dans le fleuve, qui décidait de leur destin : quand ils survivaient, ils étaient innocentés, mais étaient déclarés coupables s'ils se noyaient.
LE TIGRE ET LA CITÉ DHASANKEYF (->) : Située en Turquie à l'est de I'Anatolie, cette cité abritait autrefois une forteresse qui se dressait au-dessus des eaux du Tigre et dominait la vallée.
La Mésopotamie fut le berceau des premières villes, des premiers États et empires de l'humanité, ainis que la région où furent transcrits les premiers récits. Tout cela aurait été impossible sans la présence du Tigre et de l'Euphrate, et sans la compétence des personnes qui surent apprivoiser les fleuves et en faire les compagnons indispensables de la vie : du simple paysan cultivant une parcelle sur les berges d'un canal aux souverains aguerris qui luttaient pour leur contrôle. Pour fouiller cette histoire, les archéologues aussi durent lutter contre les fleuves, car les crues détruisirent non seulement les cités antiques, mais elles modifièrent aussi le cours des eaux dans la plaine mésopotamienne, laissant derrière elles des cités portuaires perdues en plein désert. La surexploitation des sols par l'agriculture irriguée provoqua la disparition d'autres territoires, en raison de la haute salinité des champs. Sil e Tigre et l'Euphrate ont écrit l'histoire de la Mésopotamie, ils ont également été à deux doigts de l'effacer.
NATIONAL GEOGRAPHIC HISTOIRE N°8 > Novembre > 2013 |
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LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE N°155 > Août > 2015 |
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Sumer a-t-elle Tout Inventé ? |
 À Sumer, dans l'actuel Irak, l'écriture arrive on même temps que l'urbanisme et l'Etat, au IVe millénaire av. J.C..
Cette civilisation pionnière a marqué de son empreinte toute la Mésopotamie. Dans quelle mesure fut-elle fondatrice ?
Uruk : la première cité sumérienne (- 3500) et ses monuments, sur les rives de l'Euphrate. Sa culture rayonne. Le héros mythique Gilgamesh (ici terrassant un lion, VIIIe siècle av. J.C.) a sans doute inspiré Hercule.
LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE N°145 > Mai > 2014 |
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La Mésopotamie au VIe siècle av. J.-C. |
De nombreux peuples (en bleu sur la carte, cités en rouge) se sont succédé pour écrire l'histoire de la Mesopotamie.
De nombreux peuples (en bleu sur la carte) se sont succédé pour écrire l'histoire de la Mesopotamie qui, depuis Sumer (IIIe millénaire av. J.-C.) jusqu'à l'Empire Perse (-539) connut une incroyable longévité.
Peu avant sa chute, sous Nabuchodonosor II (604-562), l'Empire néobabylonien s'étendait jusqu'à la Méditerranée.
LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE N°109 > Février-Mars > 2009 |
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Les Premiers Systèmes d'Écriture : Les Sumériens |
 

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE N°107 > Octobre-Novembre > 2008 |
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