Pour les anciens Mayas, le dieu de la Pluie, Chac, habitait des grottes et des puits naturels - les cénotes. De nos jours, les agriculteurs mayas de l'aride péninsule du Yacatan, au Mexique, lui demandent encore de leur faire don de la pluie et les archéologues fouillent les paysages sacrés ancestraux.

UN PLONGEUR EXPLORE UN CÉNOTE PRÈS DES RUINES MAYAS DE TULUM.

Le bord de l'eau parait s'enflammer lui aussi quand la lumière le frappe, et la masse liquide, d'habitude sombre sous la surface, devient d'un bleu turquoise transparent. Les rayons solaires sont tellement proches de la verticale que Montero comprend à cet instant que, la veille, au moment du zénith, une colonne de lumière a plonger droit dans l'eau. Nul besoin d'être maya pour être subjugué.

De jeunes garçons du village de Yaxuna (->) se ratraîchissent dans un cénote, un gouffre calcaire. Réalisée par un artiste local, la statue est une version d'un esprit malin du folklore maya. Les villageois l'ont placée là dans l'espoir qu'elle incite les touristes visitant les sites archéologiques de la région à s'arrêter.

Depuis une vingtaine d'années, les archéologues accordent une attention particulière au rôl joué par les grottes, par le zénith du Soleil et, maintenant, grâce à de Anda, par les cénotes dans les croyances et la vision du monde des anciens Mayas du Yucatan. Ils savaient déjà que les Mayas considéraient grottes et cénotes comme des entrées ouvrant sur un autre monde habité par Chac, le dieu dispensateur de la pluie qui donne la vie. Mais on n'en tire que depuis peu les conséquences en matière d'architecture et d'urbanisme.

De Anda avait déjà plongé dans des dizaines de cénotes quand il a entrepris d'explorer celui de Holtun, en 2010. Il répondait à l'invitation de Rafael Cobos, un archéologue de renom qui s'est appliqué à étudier et à cartographier les centaines d'édifices, promontoires et puits anciens de la région de Chichén Itza. En examinant les parois du bassin, à quelques mètres sous la surface, de Anda a émergé d'un petit creux et senti une saillie au-dessus de sa tête. Sur cette plateforme rocheuse naturelle se trouvaient des artefacts déposés avec soin et en offrande depuis des siècles : un crâne humain et un autre de chien, de la poterie, des os de cerf et un couteau à double tranchant, sans doute utilisé pour des sacrifices. Braquée vers les profondeurs, la lampe frontale de l'archéologue a révélé des colonnes brisées, une sculpture de jaguar anthropomorphe et un personnage analogue aux petits hommes en pierre du temple des Guerriers de Chichén Itza. Ce puits était manifestement un site sacré.
Et maintenant, 3 ans plus tard, de Anda et Montero découvraient un lien entre le soleil zénithal et Holtun, mais aussi, semble-t-il, le rôle joué par ce soleil et par le cénote dans l'emplacement et l'orientation de la pyramide El Castillo (le chateau), à Chichén Itza. À l'équinoxe de printemps, un rayon de lumière sinueux glisse le long d'un des côtés de l'escalier central de la pyramide. Des milliers de touristes assistent chaque année à ce spectacle. Le 23 mai, le Soleil, Kinich Ahau, se lève au niveau du coin nord-est de la pyramide, puis il s'aligne sur l'escalier ouest de l'édifice et sur le puits de Holtun.

L'archéologue Guillermo de Anda descend dans le cénote de Holtun juste avant l'instant où le Soleil se trouve directement à son zénith, le 19 juillet (->). Deux fois par an, la lumière tombe ainsi dans l'eau à la verticale. De Anda pense que les anciens Mayas avaient bâti en surface un édifice qui captait les rayons de la même façon.

Pour calculer leur calendrier, resté célèbre non sans raison jusqu'à nos jours, les Mayas devaient déterminer les jours de l'année où le Soleil brille au zénith dans le ciel sans se tromper d'une fraction de degré en plus ou en moins. Montero et de Anda ont avancé que les astronomes mayas attendaient à l'intérieur du puits de Holtun ces deux moments de zénith, quand une colonne verticale de lumière transperce les eaux sans se refléter sur la voûte. L'astronomie était une activité sacrée aux yeux des Mayas, tout comme l'architecture et l'urbanisme.

Chichén Itza, Mexique. Il faut être fou, ou bien préparé, pour se lancer de 28 m de haut dans ce goufre profond de 20 m.

Les dieux du sport ont définitivement remplacé les vieilles divinités mayas et toltèques près du site archéologique de Chichén Itzà dans la péninsule du Yucatan. Le plongeur Slava Polyeshchuk n'a d'ailleurs pas adressé la moindre prière à Chaahk avant de se jeter dans le vide lors de la deuxième manche de l'édition 2011 du Red Bull Cliff Diving.

Une offense capitale que le dieu de la pluie, auquel était autrefois consacré ce puits naturel, n'a pas prise à la légère puisqu'il a privé I'Ukrainien de la victoire. Polyeshchuk peut tout de même s'estimer heureux de ne pas avoir été frappé par la foudre en plein saut de l'ange. L'histoire ne dit pas si le Colombien Orlando Duque - vainqueur de cette épreuve avec un double salto suivi de quatre vrilles - a commis un sacrifice humain, comme c'était la coutume pour s'attirer les faveurs de Chaahk.